INTERDICTION DE VOYAGE DES LIBERAUX
Rappelé à l’ordre, le Sénégal rectifie le tir
La Cour de justice de la Cedeao a
fait un sévère rappel à l’ordre à l’Etat du Sénégal au sujet de la
mesure d’interdiction de voyager qui frappe les dignitaires libéraux poursuivis
dans le cadre de la procédure des biens mal acquis. Pour se confirmer à la
justice internationale, l’Etat y a mis les formes.
En droit la forme compte aussi
bien que le fond. Et, cela le gouvernement du Sénégal qui poursuit d’anciens
dignitaires libéraux pour enrichissement illicite l’a appris à ses dépens. La
Cour de justice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest
qui se trouve à Abuja, au Nigéria, dans son arrêt rendu le vendredi 22 février,
s’est prononcé dans le sens du respect des procédures dans le cadre des
enquêtes que mènent la Cour d’enrichissement illicite (Crei). «L’interdiction de sortie du territoire
national est illégale parce que ne
reposant sur aucune base juridique.
L’Etat du Sénégal a violé le droit de présomption d’innocence. (…). La Cour ordonne
à l’Etat du Sénégal le respect
scrupuleux des instruments internationaux et de ses lois internes dans la limite des limites du respect des
droits de ses citoyens », ont écrit les juges de la Cedeao. Dans leur décision, la
juridiction sous-régionale, comme pour couper la poire en deux, a dit, par
ailleurs, à Karim Wade et consorts qui
avaient porté plainte contre l’Etat du Sénégal que : « (…). Le privilège de juridiction et l’immunité de juridiction ne peuvent être invoqués à l’étape de procédure de simple enquête
préliminaire. (…) ».
En moins de vingt quatre heures, les
libéraux sont passés par toutes les émotions. Après avoir crié très tôt à la
victoire, ils ont vite déchantés, dès le lendemain, après que le gouvernement
qui a été pris au dépourvu a tenté de réagir. D’abord c’est l’agent judiciaire de l’Etat qui monte au créneau dés
le lendemain. Aicha Gassama Tall y est allé de son interprétation. «C’est la forme procédurale qui a été sanctionnée et non la mesure. La
Cour de justice de la Cedeao n’est pas
favorable aux requérants. Cette décision ne s’oppose pas à leurs
auditions », avoue-t-elle. Elle
refuse de voir dans la mesure un quelconque motif de jubiler pour les libéraux.
«La Cour n’a pas du tout remis en cause
le principe d’interdiction de sortie du territoire. La Cour a dit tout simplement que la mesure telle
qu’elle a été pratiquée à l’encontre des
requérants n’avait pas de base
légale », précise-t-il.
« Il n’y a aucun camouflet »
Selon certaines sources, cette
décision de la Cedeao a mis dans tous ses états, le président de la République,
Macky Sall. Une réunion de crise a été organisée, un peu tard, ce dimanche au
palais, après le retour de Malabo du
chef de l’Etat qui a pris au sommet Amérique latine -Afrique. Entre temps, le
Procureur spécial de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei),
Alioune Ndao a vite fait de rectifier le tir en envoyant des notification
écrite en bonne et due forme à l’ancien ministre des affaires étrangères, Me
Madické Niang et à l’ex- ministre de l’Energie et non moins conseiller
financier de Wade, Samuel Sarr. Celles de Karim Wade, Abdoulaye Baldé, Oumar
Sarr, Me Ousmane Ngom, ne vont pas tarder.
Mais la réplique du gouvernement
ne serait pas complète sans l’entrée en scène de la ministre de la Justice,
garde des sceaux, Aminata Touré. « Nous
sommes satisfaits de la décision de la Cour de justice de la Cedeao »,
déclare inébranlable, Mme Touré. Selon elle, l’arrêt des juges d’Abuja entre en
droite ligne de cette vaste mouvance africaine à lutter contre la corruption
sous toutes ses formes. Ceux qui espérer
voir le gouvernement s’amender pour une
erreur commise dans la procédure d’interdiction de voyager hors des frontières sénégalaises
à l’encontre des anciens dignitaires du régime déchu de Abdoulaye Wade n’ont
qu’à circuler. «Il n’y a pas de camouflet »,
assure la ministre de la Justice, Aminata Touré. Elle se réjouit
qu’aujourd’hui, cet arrêt de la Cedeao a
permis de clarifier définitivement le débat sur la légalité de la Cour de
répression de l’enrichissement illicite. «Rappelez-vous :
les concernés disaient qu’ils ne sont pas justiciables devant la Crei. On va
les envoyer une notification en bonne et due forme et ils auront l’occasion de
s’expliquer devant la Crei ou toute autre juridiction s’ils n’ont rien à se
reprocher », fait-elle remarquer.
Respect du droit
Ce n’est pas l’arrêt de la Cour
de justice de la Cedeao qui va freiner la volonté du gouvernement d’aller
jusqu’au bout de sa logique dans la traque des biens mal acquis. Loin sans faux. La ministre de la Justice ne perd jamais l’occasion de réaffirmer que
l’Etat ira jusqu’au bout dans la traque des biens mal acquis. «Je réaffirme la volonté du gouvernement
d’aller jusqu’au bout , mais dans le
respect du droit. C’est ce qui fait la
différence entre nous et ceux qu’ils (les libéraux Ndlr) faisaient avant. Ils prenaient les gens et les jettent en
prison. Chez nous, le respect du droit
s’accompagne d’une volonté d’aller jusqu’au bout ». Voilà ce qui est
clair. Mais, il faudrait plus que des mots pour traduire cette volonté en
réalité. Car, au rythme où vont les enquêtes et les batailles de procédures, la
traque des biens mal acquis qui est l’une des priorités du régime risque de
prendre un temps fou.
Mamadou SARR
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